Didier Raoult ou l'art d'entretenir sa propre mythologie

Cher(e)s Ami(es) de VIE et ACTION,
Raoul ROBECCHI, le Directeur scientifique de VIE & ACTION nous fait part de ses réflexions sur l’actualité qui ne cesse d’évoluer.
Je vous en souhaite bonne lecture et vous assure du désir d’amener à une réflexion pertinente et constructive, pour chacun d’entre nous et celle de notre prochain.
Amicalement.
Sabrina Heyse, Docteur en Naturopathie

Prenons les données communiquées par l’IHU de Marseille sur son activité entre le 1er janvier et le 11 mai 2021. Ce sont les chiffres que le Professeur Raoult nous communique régulièrement. À leur lecture, nous devons constater que nous sommes dans l’incapacité de tirer des conclusions à partir des chiffres lus. Peut-être ce n’est pas le but, ce ne sont que des données brutes. Des informations sont absentes. Les données sont imprécises et on ignore tout du mode de saisie. De plus, aucune indication n’est donnée qui permette de comprendre ces chiffres. Seul le professeur Raoult connaît la portée réelle de ces données, mais pour des raisons que nous ignorons, il ne nous les livre pas ! Il faudra donc se contenter simplement de les lire et d’avoir un aperçu de ce qui s’est passé à un moment donné dans les locaux de l’IHU. Rien de plus.

Tirer nous-mêmes des conclusions et généraliser nous expose à un risque accru de dire n’importe quoi car des paramètres importants ne sont pas précisés ou inexistants. Sans remettre en cause la légitimité ou les compétences du professeur Raoult, les données qu’il nous livre ne suffisent pas à nous permettre de nous donner une idée précise sur l’activité de l’IHU aux prises avec la pandémie de Covid19. Pour justifier ses interventions, Didier Raoult pourra toujours conclure que les interprétations des chiffres n’engagent que ceux et celles qui s’y autorisent. Lui, pourra toujours rétorquer que ces données ne correspondent qu’à un lieu précis, à un moment précis, dans un contexte précis dont nous ignorons tous les contours – et qui de ce fait – ne peuvent pas être généralisables. Nous aurions cependant apprécié que cela soit dit en toute transparence. Ce qui n’a jamais été le cas.

1. IHU : Nombre de tests réalisés / nombre de patients testés :

Pourquoi les chiffres sont-ils différents ? Cela explique-t-il le fait que des patients auraient été testés plusieurs fois ? Pas de réponse. Si cela était le cas, dans quelles conditions et à quel intervalle les patients auraient-ils été testés plusieurs fois ?

Conclusion : donnée imprécise. Le nombre de personnes testées positivement ne peut donner aucune indication sur la circulation réelle du virus dans la mesure où toute la population d’un territoire donné n’est pas testée à un instant donné. Pour cela il aurait fallu isoler la population dans un premier temps puis la tester entièrement afin de ne pas réduire le nombre de testés aux seules personnes ayant des symptômes ou ayant été exposées. Il y a donc ici absence de référent. Conclusion : les chiffres sont imprécis pour l’évaluation de la circulation réelle du virus.

2.   IHU : Nombre total de patients positifs : 14,9 %. Répartition des cas positifs entre IHU Méditerranée Infection et APHM Assistance publique & hôpitaux de Marseille : 14977 (IHU), 3792  APHM).

Une autre variable n’est ici pas définie : Quelles sont les conditions / les modalités / la répartition des populations / les critères qui amènent les populations à se faire tester à l’IHU plutôt que l’APHM ? La question est d’autant plus pertinente (pour l’instant nous n’avons pas de réponse…) que les médias ont montré des files d’attente interminables de personnes désirant se faire tester à l’IHU plutôt qu’ailleurs. Cela impliquerait que seules les personnes valides, autonomes peuvent se faire tester auprès de cette institution ? Les personnes âgées, invalides ou en Ephad ne pourront supporter des heures de queue – donc – ces personnes n’apparaîtraient pas dans les statistiques finales avec, par conséquence, une incidence à la baisse sur le nombre de décès ? De plus, on ignore si des personnes ont été hospitalisées en urgence avant un test Covid. On peut supposer que les urgences (dont la mortalité est beaucoup plus élevée) aient été dirigées sur les hôpitaux de Marseille plutôt que sur l’IHU !

Conséquence : aucune visibilité pour comparer des traitements puisqu’un tri de population aurait déjà été pratiqué en amont.

Autre incertitude : qui se fait tester ?

  • Les personnes ayant des symptômes se font-elles tester en priorité ?
  • Les personnes asymptomatiques se font-elles tester en priorité ?
  • L’APHM ne teste-t-il que des personnes déjà hospitalisées ? … etc.

 À ce stade, il manque : la courbe des âges des personnes testées positives.
Les cas de co-morbidités définies dans le cadre du Covid19 chez les personnes testées dans les deux types de services.
Le nombre de personnes ayant des symptômes avant le test.
Le nombre de personnes asymptomatiques testées positives.
Le nombre de personnes hospitalisées avant le test.
Qui conduit les personnes à se faire tester, est-ce un médecin à la vue de symptômes où les patients eux-mêmes en dehors de tout symptôme ?

Exemple : On peut très bien supposer qu’à l’APHM les personnes soient déjà prises en charge pour des symptomatologies diverses avant de se faire tester. Suivant cette hypothèse, les résultats ne pourront être interprétés.

Conclusion : ces résultats sont illisibles si l’on veut établir des comparaisons entre institutions.

À ce stade, les chiffres entre l’APHM et l’IHU ne peuvent plus être comparés car toutes ces variables suscitées ne sont pas précisées. De plus, on peut déjà constater que dans les APHM le nombre d’hospitalisations est presque dix fois supérieur à celles à l’IHU.

On peut très bien imaginer, au vu du nombre de variables non précisées, que les cas graves soient pris en charge par l’APHM plutôt que par l’IHU. Rien dans les comparatifs donnés par le Prof Raoult ne vient infirmer ou confirmer cette hypothèse. Peut- être que Didier Raoult possède déjà ces données mais ne les communiquent pas pour des motifs que nous ignorons.

De plus, cette absence constante de précisions dans les données, laisse planer l’idée que cette démarche qui consiste à rester dans le flou le plus total permet d’avoir plusieurs niveaux de lecture et valider tout et son contraire.

Pour les non-spécialistes et les médias, la lecture simple des données du Prof. Raoult iront dans le sens suggéré par ses interventions régulières sur les antennes. Puis, face à des spécialistes qui critiqueront ce manque de lisibilité, il pourra toujours donner des précisions supplémentaires en corrigeant au coup par coup le tir pour la compréhension des données comparatives et rétablir au besoin sa crédibilité. N’a-t-il pas précisé fin avril 2021 que l’HCL ne diminuait pas le nombre de décès ?

Or tout, dans la lecture des données, semblerait conduire le lecteur à penser le contraire ! Certes, les données ne sont pas fausses, on ne peut accuser personne de fraude, mais ici on ment par omission. Les données sont incomplètes. Il manque le pourcentage des personnes qui étaient hospitalisées dans les APHM avant d’avoir fait le test.

3. Nombre de patients traités avec l’Hydroxychloroquine. Là encore rien ne précise les critères d’administrations.

L’HCL est-elle prescrite chez les asymptomatiques ?
L’HCL est-elle prescrite chez les personnes présentant de légers symptômes ?
L’HCL est-elle prescrite chez les personnes jeunes ?
L’HCL est-elle prescrite chez les personnes souffrant de co-morbidités ?
 Aucune donnée comparative.

À ce stade les résultats ne veulent plus rien dire. Le pourcentage du nombre de décès n’a plus aucun sens lorsque les critères d’admission au traitement ne sont pas clairement définis dans les données – et ne peuvent par ce biais être comparés à aucunes autres données.

Le graphique (acte III) présente le nombre de décès après traitement à l’HCL. Ce chiffre ne peut être comparé à aucun autre pourcentage de décès et ne peut valider ou invalider l’efficacité du traitement dans le taux final de létalité.

Conclusion : On voit tout le problème de la vulgarisation de la recherche scientifique lorsque celle-ci décide de militer pour une cause. Le chercheur qui décide de valider auprès du plus grand nombre une théorie ou une pratique pourra toujours obtenir gain de cause en ne montrant qu’une partie de la réalité.

Raoul Robecchi. Directeur scientifique de Vie & Action