Universalité de la médecine naturelle.

Par Raoul Robecchi, Directeur scientifique de Vie & Action

La contribution du Dr André Passebecq.
Depuis les années 50, l’idée d’une alternative à la médecine pratiquée jusqu’alors qui est une médecine d’urgence fondée sur le traitement chimique et chirurgical des symptômes, a fortement évolué. De plus en plus de patients se tournent aujourd’hui définitivement vers les médecines naturelles. La contribution du Dr André Passebecq (1920 – 2010) a été déterminante pour un grand nombre de pratiques, techniques et thérapies naturelles visant à assainir le cadre de vie des humains. Ces pratiques ont non seulement été largement popularisées et diffusées mais sont devenues aujourd’hui des modèles à suivre pour un nombre croissant de médecins, même si toujours formés selon les critères de la médecine industrielle / officielle. En effet la médecine traditionnelle s’est trouvée de plus en plus impuissante face aux nouveaux défis de santé et aux nouvelles contraintes de vie, aussi bien dans les sociétés industrielles que dans les sociétés des pays en voie de développement.


Les médecins désormais initiés aux principes de la naturopathie et d’autres médecines naturelles sont aujourd’hui de plus en plus nombreux. C’est une nouvelle forme de connaissance qui prend désormais quotidiennement une part active dans l’élaboration et la diffusion de principes de vie et d’hygiène dont André Passebecq a été l’initiateur.


Grâce à ce retour aux sources de la connaissance de l’humain, des progrès considérables ont été franchis dans l’élaboration de règles d’hygiènes et postures à développer face aux affections de toutes sortes. En fait, il n’y a qu’à observer le nombre de pratiques thérapeutiques qui se réclament aujourd’hui de la nature pour conclure que les médecines naturelles sont entrées dans le quotidien par la grande porte ; celle qui octroie à la connaissance un caractère universitaire et scientifique. La naturopathie et les médecines naturelles ont été enseignées pour la première fois en France à l’Université de Paris XIII par André Passebecq sous la direction de Pierre Cornillot, Médecin, Spécialiste en biologie médicale et Doyen de Bobigny.

A ce stade, plus rien ne devrait justifier l’opposition entre la médecine « officielle » et les médecines naturelles. En fait, ce sont des outils de connaissance et de pratique différents tout en n’étant pas fondamentalement opposées – Au contraire – Ces approches différentes sont devenues complémentaires. C’est d’ailleurs le but que poursuit un nombre de plus en plus élevé de praticiens de les réunifier en un seul tronc de connaissance.
La médecine « officielle » n’est pas à proprement parler une thérapeutique du quotidien même si ses principaux représentants ont suivi un long parcours universitaire. Cette médecine ne s’est pas construite pour « guérir » sinon comprendre le sens et la finalité des réactions biologiques d’un organisme - mais simplement pour établir des diagnostics et tenter d’individualiser les agents pathogènes en essayant de les éliminer. Son cadre d’action principal se situe au niveau de la médecine d’urgence (encore faut-il définir ce qu’est une urgence médicale…), sinon la traumatologie, la médecine de guerre, la chirurgie et quelques autres pratiques et techniques où les méthodes naturelles ne peuvent intervenir. Dans cette médecine d’urgence, tout comme chez le mécanicien automobile, le médecin se contente au mieux de « réparer », sinon « rafistoler ». En effet, le mécanicien ne vous enseigne pas comment conduire une automobile… Cependant, se contenter de « réparer » dans le meilleur des cas représente déjà un travail colossal. C’est pourquoi la démarche médicale officielle ne doit pas être rejetée mais devenir un complément des médecines naturelles. De plus, la pratique pharmaceutique dérivée de la médecine « officielle », industrielle,  n’a pu se valider que grâce à une succession interminable d’expérimentations de substances sur l’animal et l’humain. Ces essais et erreurs qui ont malgré tout coûté la vie de milliers d’individus ont permis en final d’isoler des substances qui ont sauvé des vies (Nivaquine, Paludrine, anticoagulants, anesthésiques, cortisone, antibiotiques…etc.) mais toujours dans des situations d’urgence médicale (ex : laryngite sous-glottique du nourrisson, rupture d’anévrisme, blessures graves, peste). Cependant, leur utilisation systématique à grande échelle souvent opérée dans un but de prévention, s’est avéré être une catastrophe.
La raison est simple : dans la médecine d’urgence dite « médecine officielle », il n’y a pas de démarche en amont. Ce ne sont que des techniques ponctuelles qui ne prennent en considération qu’une seule (voire quelques) chaîne(s) de réactions chimiques ou quelques désordres mécaniques à la fois... De plus, une substance ou une pratique peut devenir la panacée universelle jusqu’à ce qu’une autre substance ou une autre découverte soit en mesure de la remplacer. Et comme la biologie ne se limite pas à quelques réactions chimiques, on peut aussi créer davantage problèmes que l’on voudrait en résoudre.


Historiquement, cette médecine ne s’est jamais remise en question depuis les pires pratiques médicales du Moyen-âge et de l’Antiquité. Depuis que les facultés de médecine ont été fondées, il n’y a jamais eu d’événement déterminant faisant un trait sur toutes les pratiques antérieures. Ce sont les mêmes praticiens sous l’égide des mêmes représentants du pouvoir qui au fil des générations ont transmis ce pouvoir tutélaire, ce savoir universitaire qui est passé du couteau en silex à trépaner au robot scanner en passant par toutes sortes de « machines » censé guérir. Souvenez-vous au début du vingtième siècle la ruée sur les machines à guérir par la radioactivité…
On peut donc imaginer que dans ce domaine, nous ne serions encore qu’à une sorte de Moyen-âge par rapport à d’autres techniques ou d’autres approches qui verront le jour dans quelques décennies…  Il n’y a pas si longtemps, on supprimait les amygdales - encore une fois - sur la base de l’expérimentation humaine. Aujourd’hui cette chirurgie n’aurait aucun sens. Et pourtant, combien d’éminents universitaires sont montés au créneau pour expliquer le bien-fondé de leur connaissance et leur expérience. C’est toute la dynamique d’une démarche qui consiste à ne traiter qu’un seul symptôme à la fois…

En fait, on ne devrait parler ici de médecine qui sous-tend une vision globale de l’humain mais simplement de techniques ponctuelles érigées au rang de médecine. Ce sont juste des outils parmi d’autres. Or, ce qui est important ce n’est pas l’outil mais l’usage qui en est fait par celui qui l’utilise. De plus, un seul outil ne peut avoir vocation d’universalité. Si vous venez de découvrir le marteau pour planter un clou, vous n’allez pas ensuite découper du papier avec un marteau ! Vous n’allez pas non plus vous promener toute la journée avec un marteau… Cette image quelque peu simpliste représente la confusion entretenue en permanence entre ce que peut représenter une vision globale sur l’humain et la réalité des symptômes isolés de leur contexte et leurs remèdes, les techniques d’approches et la compréhension de la biologie.
Seules les médecines naturelles possèdent cette vision globale de l’humain. Simplement ces médecines demeurent encore pour bon nombre des concepts flous. Ceci par manque d’information et surtout pour des raisons administratives qui protègent le statut des médecins tout en laissant le champ libre à toutes sortes de praticiens nouveaux qui se réclament de tout et n’importe quoi. En fait ce sont d’abord des raisons politiques et industrielles qui conditionnent le devenir de l’humanité sur le plan de la santé et de l’hygiène de vie mais ceci est un autre débat...

Considérer l’humain dans sa totalité implique d’abord la prudence face aux effets de modes. Une thérapeutique nouvelle, même sur la base d’une découverte médicale, n’implique pas de se détourner d’autres pratiques qui ont fait leurs preuves. La médecine officielle, d’urgence, que l’on pourrait encore appeler « médecine expérimentale » a permis aussi de sauver des millions de vies… Prenons le cas de la peste bubonique (bacille yersinia pestis) ou du paludisme… Traiter ces affections sous l’angle des médecines naturelles relèverait de l’inconscience. En effet, traiter la peste avec des antibiotiques suffit à enrayer la maladie. Ceci dit, l’apport des médecines naturelles dans un tel cas sera – non pas de s’opposer à la prise des antibiotiques – mais à réfléchir sur les causes (immunitaires, hygiène) qui expliqueront la survenue de la maladie chez certains individus et non pas chez d’autres.

La justification médicale / pharmacologique sous forme de preuve biochimique s’opposera donc, dans un cadre de réflexion élargie, au rappel de principes généraux d’hygiène de vie qui sont deux angles de vue différents mais qui tous deux contribuent à donner une vision globale de l’humain.

C’est le principe de complémentarité entre les deux approches médicales tout en considérant que dans la médecine conventionnelle, le justificatif biochimique-pharmacologique prend toujours le risque d’être dépassé dans le temps.


En effet, à de nombreux égards, la biochimie est une mécanique toujours complexe, voire quelquefois illisible. Le rôle des catalyseurs chimiques n’est toujours pas parfaitement décrit. De plus une réaction chimique peut être la conséquence d’un comportement, donc, d’autres réactions chimiques qui le sous-tendent - et non la cause. Elle peut aussi apparaître que si associée à une autre réaction chimique. On a appris en endocrinologie que les effets de feed-back peuvent être multiples. Il peut donc y avoir des doubles et triples feed-back hormonaux etc... Nul ne peut donc prétendre légitimer une pratique thérapeutique à partir d’une seule validation biochimique. On ne peut s’en tenir qu’à des prescriptions simples de cause à effet (exemple : mise en évidence de l’action d’un antiseptique en application locale) en considérant qu’on ne traite qu’un seul problème à la fois sans visibilité globale de l’organisme.


Dans ce contexte, la naturopathie puise toute sa force en considérant qu’aucun argument (sauf dans un certain nombre de cas précis), ne peut justifier la prise d’une substance extérieure au corps. Cependant l’urgence médicale impose que l’humain soit pris en charge dans les situations où la vie est en danger. Ceci implique des allers-retours permanents entre ce que l’on peut tolérer, ce qui est possible et ce qui est souhaitable. La naturopathie et les médecines naturelles doivent donc toujours avoir une vision globale sur l’ensemble des techniques médicales et déterminer une sorte de cahier des charges qui s’articulerait selon les individus et les interventions. La médecine officielle excelle dans l’art d’établir des diagnostics sur le fonctionnement de certains organes. Exemple : le cardiologue qui interprète un électrocardiogramme afin d’y « lire » des anomalies sur le fonctionnement du cœur… Là aussi inutile de s’opposer à l’expérience d’un spécialiste pour nous décrire le mauvais fonctionnement. Suivre les principes de la naturopathie ne sous-tend jamais rester hermétique à un diagnostic qui en final n’engage à rien. On ne pourra jamais remplacer la lecture d’un électrocardiogramme par des tomates bio !


C’est pourquoi à l’extrême du rejet de la médecine officielle, la tendance est observée chez certains défenseurs du « tout naturel » à accepter la maladie grave voir le décès comme une dimension naturelle possible du devenir humain. Ceci s’articulant dans un contexte de rejet total de la médecine officielle ; une position intégriste qui dessert en final la cause défendue par les médecines naturelles…
Cette position rigide/ intégriste est une réaction infantile où l’individu ne transige pas par rapport à une réalité où il/elle s’est construit une loi afin de combler une angoisse intérieure…

Le docteur André Passebecq, un des fondateurs de la naturopathie contemporaine, avait parfaitement défini dans une vision globale de la médecine, les domaines d’intervention des différentes techniques médicales y compris celles de la médecine officielle. Exemple : la prévention du paludisme, la prescription possible d’antibiotiques … mais sans jamais de généralisations, ni de partis pris. C’est en partie grâce à sa démarche que beaucoup de médecins ont réalisé cette synthèse autrefois rendue impossible. Ainsi le véritable progrès s’est révélé avec la formation de médecins naturopathes sinon de praticiens hospitaliers (chirurgiens, infirmiers, spécialistes…) travaillant en binôme avec des naturopathes. C’est pourquoi nous lui rendons ici hommage dans cette vision globale qu’il avait de l’humain et de la médecine.

Raoul Robecchi, Directeur scientifique de Vie & Action